Comédie…
La comédie… La comédie d’un jour, la comédie… Toujours.
Michel parcourt fébrilement l’appartement, à la recherche de son fond de teint. Il va, il vient, farfouille dans tous les sens, il parle de la soirée, des copines, de Sitges, du carnaval qui débute aujourd’hui. Il le trouve et devant son miroir, commence à se maquiller. A l’aide d’un gel, il plaque ses sourcils, les réduisant à deux lignes. La poudre vient, ensuite, estomper les traits et les petites imperfections du visage. De deux coups de pinceau adroits, il trace les sourcils. Il est coiffeur à Barcelone et les soirs du week-end, il travaille comme barman au Comodin. Des gens, il en voit passer, de toutes sortes. Qu’est ce qui le choque !?…Il a quitté Toulouse pour venir s’établir à Sitges. Le climat est plus serein ; plus calme. D’un étui, il sort des faux cils achetés le matin même, et les colle minutieusement. Il s’est parfumé, et l’odeur prend la pièce. Le rouge à lèvres met un point final au maquillage. Il va se changer, revient vêtu d’une robe à paillettes argentées. Il enfile ses collants, ses bottes, ses faux seins. Il sort de la penderie un boa en plume et la perruque assortie. Un dernier coup d’œil au miroir, il sort, direction le Parrots Pub. La rue est déjà grosse de la fête. Les regards se braquent ; la robe attise les convoitises.
Aux abords du centre ville, la foule devient plus compacte, hétéroclite. Les costumes les plus fantaisistes se côtoient, dans une même chaleureuse ambiance. Epaule contre épaule, Michel progresse difficilement. L’enseigne du Parrots, rehaussée d’une cavalière et de sa monture pour l’occasion est proche. Nous nous faufilons. Devant les baies vitrées, grillagées, des curieux sont massés, tentant, sans en avoir le courage, de franchir le pas.
Les copines sont là : Doudou, Gilles, Jean-Pierre, Juan, James. Toute la soirée, elles vont se succéder sur l’estrade, au son de musiques brésiliennes, techno-samba, et dance carnavalesque, dans des shows outrageusement efféminés. Au bar, les copines applaudissent, s’embrassent, dansent ensemble, pastichent leur vie. Les autres clients se poussent, échauffés par le spectacle, à la consommation. Les verres descendent aussi vite que les pudeurs, et l’ambiance tourne à la fiesta. Des couples se forment. Clou de la soirée, Joël se lance dans un streap tease ; tambourin et castagnettes.
L’assemblée s’étiole, au fur et à mesure que l’heure avance. Ils franchissent la porte, et se dispersent dans la nuit, avalés par les groupes de fêtards attardés. Les veuves du roi, et les pleureuses sont rentrées se coucher. Le rideau tombe sur la scène. Les costumes rentrent au placard. Demain, chacun retrouvera son train-train quotidien. La comédie d’une dizaine de soirées se fondra dans la routine, pour ne laisser que la trace de souvenirs intenses, d’un carnaval à Sitges.
Gauthier Andujar